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Le biocontrôle des otiorhynques

Les nématodes entomopathogènes, utilisés depuis plus de trente ans en Europe, aident à lutter contre les larves d’otiorhynques présentes dans les sols. Cette stratégie est à déployer dès  a fin de l’été.

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Cycle de vie du ravageur

Parmi les 350 000 espèces connues dans l’ordre des coléoptères, reconnaissables à leurs élytres (ailes coriaces antérieures) ainsi qu’à leurs redoutables pièces buccales de type broyeur, les otiorhynques savent se rappeler régulièrement au bon souvenir des producteurs. Les coléoptères sont connus pour leur diversité de forme, de taille et d’habitat. Dans cet ordre, des auxiliaires effi­caces, tels que les coccinelles, côtoient des ravageurs redoutés comme les hannetons, criocères, capnodes, charançons (tels que Rhynchophorus) et bien évidemment otiorhynques. Ils passent tous par une métamorphose complète : la larve est très différente de l’adulte. Il est donc essentiel de bien connaître le cycle du ravageur pour savoir à qui on a affaire. La principale espèce d’otiorhynque en France reste Otiorhynchus sulcatus.

O. sulcatus comprend un stade œuf, six ou sept stades larvaires, un stade nymphe et un stade adulte. La forme adulte est assez caractéris­tique, avec une petite taille (de 7 à 10 mm) et une cou­leur sombre assez uniforme presque noire présentant sur les élytres de petites taches plus claires. Les antennes sont coudées. Les adultes ne sont pas faciles à détecter car ils sont nocturnes et ne volent pas. On peut cependant les rechercher dans les caches de la culture concernée : entre la terre et les parois des pots, sous les contenants, sous les feuilles résiduelles à terre, sous les écorces de paillis en espaces verts. Ils entrent en activité en mai. Il n’existe pas de piégeage à base de phéromones. Le dégât caractéristique est une forme d’encoche cylindrique sur le bord des feuilles. Les œufs, sphériques, de couleur blanc laiteux virant au marron, sont pondus de début juillet à la fin du mois d’octobre. Les larves apparaissent à partir de fin août en général, et pendant tout l’automne. Elles sont reconnaissables à leur corps blanc crème et leur tête marron clair. Elles vivent dans le sol, à quelques centimètres de profondeur, près des racines nourricières. Les larves sont activées par la température. Elles se nymphosent au printemps entre 2 et 20 cm de profondeur (1).

Cultures concernées en France et niveau d’attaque

Plus de 100 espèces végétales peuvent être touchées par l’otiorhynque,. On citera particulièrement les cyclamens, les azalées et rhododendrons, mais également les fraisiers et petits fruits. En espaces verts, les conifères peuvent aussi être sensibles. Et, plus récemment, des haies de frênes et de tilleuls au niveau foliaire. Il a été démontré que les racines attaquées de certains conifères libéraient des substances attractives pour les nématodes (2). Les adultes, ne pouvant pas voler, la capacité de dissémination directe est limitée. En revanche, elle est possible par le biais de transfert de matériel végétal infesté. La prophylaxie contre ce ravageur impose donc de bien contrôler tout matériel végétal entrant dans l’exploitation. La pression reste relativement limitée dans l’Hexagone en cultures ornementales et légumières, même si localement les dégâts peuvent être importants. En espaces verts, on note parfois des recrudescences­ fortes de dégâts sur feuilles, pouvant engendrer une dépréciation esthétique notable et parfois même un net affaiblissement du végétal. La détection du dégât de poinçon typique est essentielle (3).

Une protection biologique efficace : les nématodes entomopathogènes

Les nématodes entomopathogènes sont des ennemis naturels connus de l’otiorhynque, utilisés commercialement en Europe depuis 1984. Ces vers microscopiques agissent soit en embus­cade (attente) ou en maraude (recherche active dans le sol grâce aux composés volatils émis par les proies). Souvent, ils adoptent des stratégies « mixtes ». Les nématodes vont pénétrer le corps de l’insecte par les orifices naturels et/ou la cu­ticule et proliférer à l’intérieur, entraînant la productio­n de bactéries tuant la larve d’otio­rhynque infectée sous quarante-huit heures. De nou­veaux nématodes vont proliférer dans le corps du ra­vageur et pouvoir à terme recontaminer d’autres­ otiorhynques.

Conditions d’utilisation

La période idéale de traitement est la fin de l’été et l’automne. On conseille alors l’emploi d’Heterorhabditis bacteriophora. Les jeunes larves sont ciblées tant que la température du sol reste supérieure à 14 °C (en moyenne). Il est intéressant sur les cultures sensibles de veiller à la réalisation de ces applications en septembre en effectuant des contrôles soigneux des cultures dès la mi-août pour agir au plus tôt. L’application automnale est gage de réussite dans le biocontrôle des parcelles concernées. Si cette application n’a pas été réalisée, il est possible d’agir en fin d’hiver ou au début du printemps avec les espèces plus adaptées au froid (de 5 à 13 °C) telles que Steinernema feltiae ou encore Steinernema kraussei.

Les applications par arrosage ou par pulvérisation sont idéales, afin d’assurer une distribution homogène des nématodes dans le sol. Il faut bien protéger toute la zone racinaire. Il est recommandé de veiller à une bonne hygrométrie a minima pendant quinze jours après l’application. Les nématodes peuvent être commandés rapidement sous un délai d’en général une semaine, et il est possible de les conserver entre 2 et 6 °C durant d’assez longues périodes (de plusieurs semaines à plusieurs mois).

La qualité des nématodes est à contrôler par le fournisseur, qui doit garantir la mobilité et l’infectivité (capacité à parasiter et à tuer un hôte) de ces agents de biocontrôle. L’absence de résidus sur les cultures ornementales est un critère de choix important également, notamment en cultures ornementales. L’efficacité des nématodes est mesurable environ sept jours après l’application. L’infection par H. bacteriophora provoque un rabougrissement des larves et une coloration caractéristique rouge-bordeaux. Traitées avec les Steinernema, elles virent au jaune-marron. Mais, très vite, les larves infectées disparaissent dans le sol. La régulation complète des populations du ravageur peut prendre quelques se­maines, mais reste assez rapide. Des solutions à base de champignons­ entomopathogènes de type Metarhizium montrent une bonne effi­ca­­cité complémentaire, les nématodes témoignant d’un effet choc et les champignons d’un effet dans la durée.

Les nématodes agissent sur d’autres cibles. Des travaux sont en cours sur les problématiques de punaises (Impulse) et Tuta, notamment. Les nématodes­ constituent une alternative biolo­gique sérieuse et compatible avec les autres auxiliaires­. Ils sont régulièrement testés dans le cadre des usages orphelins et de la réduction des usages de pesticides de synthèse. Bien que cette méthode de protection biologique soit pourtant déjà ancienne­, elle connaît aujourd’hui un nouveau regain d’intérêt.

(1) Pour plus de détails sur le cycle de vie d’Otiorhynchus sulcatus, voir la vidéo

(2) Observation de Cyrille Verdun, expert nématodes pour la société Koppert.

(3) Observation de Thibault Crance, responsable du marché Jevi pour la société Koppert.

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